"Carnet de Camellia"
"Note du 26 Décembre 1784 : Voyage de la Flandre à Paris.
Je marche en direction de Paris suite à la rencontre d’un homme qui s’est intéressé à moi hier. Il m’accompagne dans ce trajet.
Cela faisait longtemps qu’on ne m’avait pas regardé. Je crois même que c’était la première fois que j’étais visible aux yeux de quelqu’un. Cet homme était dos au bâtiment en face de moi. Il était étrange. Il était très grand et très costaud. Il avait une capuche qui lui cachait son visage. Sur sa ceinture il y avait un sigle que je n’avais jamais vu. J’avais peur que ce soit un violeur ou un tueur. En même temps, dans une sombre ruelle lorsqu’il commence à faire noir on a de quoi avoir peur. Après qu’il soit resté une bonne dizaine de minutes à me regarder, il s’est adressé à moi : « Que fais-tu ici toute seule ma petite ? » Je n’ai pas répondu, je n’osais pas. Il s’est alors avancé vers moi et s’est assis à ma droite. Je me suis mise à trembler lorsque j’ai vu qu’il cherchait quelque chose dans sa poche interne. Je pensais que c’était un couteau ou un pistolet. Mais non, ce n’était qu’une montre. Il me donnait sa montre :
« Garde-la, elle pourrait t’être utile »
« M…mais, elle semble avoir de la v…valeur ! » ai-je dit.
L’homme n’a pas répondu et s’est relevé. Il m’a relevé ensuite. Puis il a ouvert sa veste et m’a montré de nombreux couteaux : « Choisis-en un. Une jeune fille de ton âge ne doit pas rester seule dans la pénombre sans défense. »
Voyant que je paniquais, il a mis ses mains sur mes épaules pour me calmer : « N’ai pas peur ! Ces armes je ne m’en sers pas contre les innocents. Dis-moi, quel âge as-tu ? »
J’ai répondu en bafouillant : « 14 ans, je crois. »
« «Tu crois» ? Mais ça fait combien de temps que tu es dehors ? »
Je n’ai pas répondu et ai baissé la tête. La non-voulue, c’est ce que j’étais depuis ma naissance. Mes parents m’avaient abandonné pour je ne sais quelle raison puis j’ai été recueillie dans le vieil orphelinat du centre. Je suis partie à 9 ans de cet orphelinat. J’ai fui. Depuis je vole dans les marchés afin de survivre.
« Ça fait 5 ans que je survis. »
Alors l’homme m’a prise par la main et m’a raconté que lui aussi avait dû survivre lorsqu’il était enfant.
« Et qu’êtes-vous devenu ? » ai-je dit.
Sous sa capuche j’ai pu voir un sourire s’esquisser sur son visage : « Ce que tu vas devenir ma petite ! »
« Et, que vais-je devenir ? »
« Une assassin. »
Depuis, nous sommes en route pour Paris. Toute la journée il m’a expliqué ce qui m’attendait. Il a dit que la Confrérie des Assassins sera ma nouvelle vie, que je ne devais dire à personne où j’allais vivre. Il m’a dit que là-bas j’allais me battre pour la liberté et que j’allais aider notre pays. Il m’a dit qu’il me faudra de l’entrainement mais qu’après mon vécu, c’est comme si être une assassin était mon destin."
"Note du 28 Décembre 1784 : Arrivée à Paris, au soir.
Il a fait très froid durant le voyage. Cette année l’hiver est rude. Sur la route, il m’a laissé voler un manteau de fourrure lors d’un marché en Picardie. J’ai été surprise qu’il ne m’interrompe pas. C’est là qu’il m’a dit : « Tu es libre de faire ce que tu veux petite fleur ! » Il m’a trouvé ce surnom et m’a appelé ainsi tout au long du voyage, sûrement en référence à mon nom, Camellia Théacée. Nous avons mis trois longues journées pour arriver à Paris. Trois longues journées ou nous avons pu échanger mais pourtant, je ne connais toujours pas son nom.
Paris. Capitale du royaume de France. Quel gâchis ! En arrivant j’ai vu de nombreux pauvres qui agonisaient dans les ruelles. A ce moment-là je pensais au roi et à tous ses courtisans qui devaient profiter de leur richesse sans prêter attention au peuple qui souffre. Oh mais bien sûr, il devait sûrement avoir conscience que Paris mourait sous ses yeux, mais il se disait qu’il ne pouvait rien contre cela.
Nous sommes passés par une Grand-Place. Il y avait quelque chose au milieu de celle-ci que je ne pouvais distinguer car il faisait nuit noire. Je me suis alors approchée et j’ai vu que c’était une horreur qui se construisait face à moi. Une guillotine. Elle n’était pas encore entièrement finie mais cette machine meurtrière me glaçait déjà le sang. « Ne restons pas là » ai-je dit à mon compagnon de voyage. Mon soi-disant sauveur qui promettait que j’étais destinée à être une assassin : « Une enfant qui à notre époque arrive à survivre pendant cinq ans à l’extérieur, est destinée à nous rejoindre dans la confrérie » m’avait-il dit de nombreuses fois.
Quelques minutes plus tard nous sommes entrés dans une taverne sans vie dans une rue plus loin : « Où es-tu Franck ? Je nous ai amené une nouvelle ! » des bruits de pas se sont fait entendre dans un couloir. Un homme est entré dans la pièce et m’a regardé longuement avant de prendre la parole : « Tu es devenu fou ? Elle est jeune ! Elle ne peut pas comprendre ce que nous faisons ! »
« Elle a vécu cinq longues années seule dehors ! Elle a survécu à cinq hivers ! Elle n’a rien ni personne ! On peut l’entrainer ! » A répondu l’homme dont je ne connaissais toujours pas le nom.
« Dans ce cas, c’est toi qui t’en occupe. Tu seras son mentor. Mais avant, est-elle consentante ? Tu lui as expliqué au moins ? »
Les deux hommes m’ont regardé silencieusement. Je me suis approchée du tavernier et lui ai serré la main : « Unis pour la liberté ! J’en suis ! »
Le tavernier avait l’air surpris d’entendre ces paroles : « Elle semble futée ta gamine Connor ! »
Connor était donc son nom. Ce n’est pas français de toute évidence. Mais qui est-il ? D’où vient-il ?
« Rend moi un service Franck. Si je m’absente ou s’il m’arrive quoique ce soit, occupe-toi d’elle, toi sois son mentor. D’accord ? » A-t-il dit au tavernier.
« Ça ne fait que quelques semaines que tu es hors-service et que tu résides ici. Et tu comptes déjà repartir ? »
« Je n’ai pas le choix. Je reviendrai la voir lorsque j’en aurais l’occasion. »
Connor est reparti, me laissant avec le tavernier. Actuellement j’écris ceci dans une petite chambre de la taverne. Demain Franck commencera à m’entrainer et à m’apprendre tout ce qu’il faut savoir. Avant de me coucher il a dit : « Règle n°1 : ta lame ne versera pas le sang d’un innocent. »"